Gabriel Goubet

réalisateur tout terrain

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Conseils pour tourner en Super 8 !

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Ma Super 8 Story

J’ai découvert le Super 8 pour la première fois en classe de neige, en primaire. Après une semaine de joyeusetés diverses où l’enfant découvre la vie en groupe à la montagne et développe sa motricité en forêt, l’un des animateurs a extirpé d’un placard un appareil noir, lourd, mystérieux, synonyme de promesses pour les mioches de l’école La Fontaine que nous représentions modestement, moi et mes potes.

Un drap fut étendu dans le réfectoire, les enfants rassemblés sur des bancs, les néons du plafond furent éteints, le rayon lumineux du projecteur pointa au dessus de nos têtes : le cinéma était là. Pour nous, rien que pour nous, les enfants rois des années quatre vingt, la bouche ouverte, les genoux serrés, la pantoufle pendante, et Charlie Chaplin. Je ne me souviens plus du film. Si je fouille dans ma mémoire imaginative, celle qui fait que les photos d’album de famille se transforment parfois en souvenir, je dirai que Charlot balançait une poutre dans la gueule d’un gros moustachu. Ce dont je me souviens par contre, c’est que nous avons ri comme jamais, moi et mes potes.

Ma deuxième rencontre avec le Super 8 fut plus directe. Un ami de ma mère m’a offert un jour sa caméra. Je devait avoir 19 ans. Daniel était géologue, spécialisé dans les volcans et les plaques tectoniques, qui, lorsqu’elles bougent un peu, tuent vingt mille personnes en quatre minutes. Avec cette caméra, il avait filmé les quatre coins du globe. Un jour, grand amateur d’aventures pittoresques, Daniel avait rangé sa pièce du fond, celle où nous rangeons tous ces trucs qui servent à pas grand chose sauf à nous donner l’impression qu’en accumulant, eh bin quelque part, on a tous une Histoire putain. En rangeant l’armoire du fond de la pièce du fond, Daniel avait déniché sa sacoche caméra. En cuir. Avec une poche devant pour mettre les cartouches de pellicule. Après qu’un «Mazette, ma caméra ! » lui ai traversé l’esprit, Daniel avait eu un serrement à l’estomac typiquement nostalgico-superhuitien : il revit dans la pénombre de sa pièce du fond sa jeunesse en voyage, filmée en plans courts, parfois à la hâte. La canicule éblouissante du désert de Syrie, la crevasse d’un glacier sensible, des halls d’aéroports seventies, des montagnes enneigées à perte de vue… Quelques flashs blancs faisaient partie du souvenir. Ceux qui se forment lorsque l’on sort la cartouche de la caméra, et que les quelques images restées devant la fenêtre se sont sur-exposées. Tout au fond de l’armoire, Daniel trouva aussi un sachet au look disco dans lequel sa mémoire dormait dans de petites bobines en plastique noir. Je ne sais par quelle subterfuge de sa conscience il s’est dit alors : « Tiens, et si ça servait à quelqu’un d’autre ? » Et à cet instant débute selon moi l’une des raisons fondamentale de la non-disparition du Super 8 : la caméra fonctionnait parfaitement bien, malgré quinze années de service cauchemardesques. Ballottée dans des conditions de transports inacceptables au Népal, ensablée dans la tourmente saharienne, trempée dans l’Amazone, soumise à plusieurs chocs frontaux durant l’ascension du Stromboli sicilien, la SANKYO SUPER CM 660 de Daniel avait tout supporté et en plus, elle avait des images pour preuve de tous ces mauvais traitements. En un mot, elle était résistante parce que mé-ca-nique.

Je l’ai encore cette caméra. Elle est là, devant moi. La poignée qui renferme les piles, s’ouvre par le dessous du boîtier. Un plastique noir et légèrement granulé la recouvre avec précision. Une lamelle d’aluminium la coupe en deux sur le côté gauche, on peut y lire en tout petit OPEN, avec à proximité un bouton noir, strié en ridules parallèles pour que le doigt accroche bien lorsque l’on veut ouvrir les entrailles de l’engin. Sur le haut, un bouton arqué avec un T et un W : le zoom électrique, grand must pour une caméra de l’époque. Lorsque je la prends en main elle a du poids. Elle est de marque japonaise et pourtant sous certains angles je me demande si elle n’a pas été conçue en priorité pour le marché russe. Les types qui l’ont dessinée ont vraiment voulu dire : « regardez comme elle est robuste ! » Je regarde dans le viseur. Au début je ne vois rien. Il faut vraiment bien aligner sa pupille pour que la vision monoculaire se dévoile enfin. Un cadre noir fait alors son office de cadre noir. J’aperçoit en baissant un peu les yeux les chiffres de l’ouverture du diaphragme : 1.8, 4, 5.6, 8, 11, 16. Encerclés par deux petits carrés rouges transparents, ils attendent de donner sens à la lumière. C’est con de dire qu’on est amoureux d’un tel objet. Mais bon sang qu’est ce que je l’aime ! Avec elle, j’ai commencé à fabriquer mes premières bobines floues ou sous-exposées, passage obligé de l’autodidacte superhuitien, et ça, ça n’a pas de prix.

Le jour fatidique où Daniel m’offrit sa caméra, il avait aussi amené pour l’occasion son projecteur et ses souvenirs. Aux quelques amis de ma mère réunis, il annonça en grande pompe une bobine qu’il avait faite lorsque j’était tout petit. Cette promesse provoqua un frisson non dissimulé chez ma mère, elle allait revoir son petiot avant qu’il ne devienne un ours de cent kilos. Daniel tira les rideaux et actionna le bazar. Après les commentaires inévitables sur la bonne qualité de l’image et un ou deux « mon dieu j’étais coiffée comme ça ! », le silence s’est installé dans l’assistance. Le tac tac du projecteur nous soutenait, en rythme, la tête levée vers notre mémoire. Ah ! La sacro-sainte projection Super 8 dans laquelle un enfant vous ressemblant mais qui n’est plus vous, fait des boules de neige et court en accéléré dans un jardin de banlieue éclairé comme un dimanche ! Un vrai mythe ! Beaucoup connaissent le Super 8 comme ça, en culotte courte à la campagne, donnant des gerbes de blé à un âne, habillée en petite fille parfaite sur les marches d’une église, avec dans le coin de l’image la Simca 1000 full option de l’oncle de Normandie. Cette fameuse image kitschouille aux couleurs un peu saturées, où les parents ont l’air jeunes et vieux à la fois, où tout le monde est orange à l’extérieur, bleu à l’intérieur. Et lorsque Papa oublie d’enlever le filtre de jour et bien c’est le chaos, tout le monde est bleu à l’extérieur et noir à l’intérieur… Après avoir rembobiné l’énigme de mon existence (pourquoi ne suis je pas resté ce petit garçon ?!), Daniel prit au hasard une autre bobine. Et là, il n’a plus rien dit. Il est resté figé sur son siège, le verre de vin blanc hésitant entre ses mains, les larmes aux yeux. Sur le mur, sa femme et sa fille parties de sa vie depuis, dansaient et riaient sous une pluie de flocons dans leur jardin immaculé. Ce soir là, le Super 8 avait piégé Daniel. Dix fois plus puissant qu’un album de photo qui ne dit rien sauf si on l’ouvre, les trois minutes de bobines cadencées à 18 pulsations par seconde avaient mitraillé le cœur de Daniel. Peut être s’attendait-il à nous montrer le Stromboli… Quand on dit qu’il faut étiqueter ses bobines...


Cet court article de la revue "Caméra vidéo" daté d'avril 2008 m'a été envoyé des années après sa parution... Il y est question de mon précédent site web, dont seule subsiste la page "Conseils pour tourner en Super 8."

Cet court article de la revue "Caméra vidéo" daté d'avril 2008 m'a été envoyé des années après sa parution... Il y est question de mon précédent site web, dont seule subsiste la page "Conseils pour tourner en Super 8."